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Les trails de Tony

23 octobre 2016

Ma Diagonale des fous, 167 km, 9700 m D+

carte 2profil

H-1 : Je n’arrive pas à me décider à rentrer dans l’arène. Les coureurs un à un étreignent leurs proches comme si c’était la dernière fois et disparaissent derrière les barrières. Les encouragements sont teintés de « fais attention à toi ».

Armelle et moi attendons le dernier moment ou presque, je n’ai pas envie de la quitter mais nous faisons les cents pas depuis plus d’une heure et il faut se résoudre à y aller.

Je l’étreins.

Je m’inquiète plus pour elle que pour moi. Toutes mes angoisses se concentrent sur « va-t-elle s’en sortir ? », rejoindre Mare à boue et Cilaos en voiture est aussi un sacré challenge.

De son coté, je la sens très stressée, la pression d’être présente aux points de rendez-vous et de me voir m’engager dans les sentiers techniques.

Elle ne veut rien montrer ou presque, la séparation est rapide.

Je m’engage dans le sas de départ.

Contrôle du sac, c’est un moment d’angoisse du coureur, malgré la vérification N fois du sac, on se demande si on n’a pas oublié l’essentiel, se voir refouler de la course, ne pas prendre le départ.

 Soulagement, le contrôle est rapide, tout est OK, je peux enfin rentrer dans la course.

Je ne ressens aucune émotion, aucun stress, je suis vide.

Je profite d’ailleurs pour m’allonger sur la terre battue, en utilisant mon sac comme oreiller. Je me sens las, je m’assoupis.

Je suis réveillé par un mouvement de foule autour de moi. Mes yeux s’ouvrent et aperçoivent tous les coureurs ou presque massés devant les grilles du départ.

Je suis content d’avoir dormi quelques minutes, mais après réflexion, cela était le signe avant-coureur de mon manque de sommeil.

Le sommeil s’avèrera le régulateur de la course.

Mais, je suis dépité, je voulais échapper au bouchon du Domaine Vidot (Km 15) et pour cela je dois passer dans les 800 premiers en moins de deux heures.

C’est foutu.

Mon obsession, c’est ce fichu bouchon tant décrié dans les récits. Aucune pensée pour les ascensions du Taïbit ou du Maïdo, juste ce bouchon, qui amène le coureur à se refroidir et à parfois abandonner à cause du froid si proche du départ.

J’arrive quand même à gagner quelques places en me faufilant, mais soyons lucide je vais partir loin derrière.

Je suis toujours calme, seul dans ma bulle, les autres coureurs sont surexcités, seuls ou en en groupe.

Le décompte est lancé à 22h00.

 depart

Les chiffres s’égrènent, les coureurs sont projetés dans leur aventure. Nous arrivons rapidement à courir, nous sommes entourés d’une haie d’honneur, d’une foule en délire. Nos prénoms sont criés, les encouragements fusent dans nos oreilles, nous sommes fêtés non pas comme des fous mais en héros.

Les premiers kilomètres sur le front de mer sont un rêve, l’atmosphère d’insouciance est partout, la course part vite, trop vite. Les coureurs partent la fleur au fusil. Je double, je me fais doubler bref je stagne dans ce peloton.

Changement de topologie, la route commence à s’élever, nous entrons dans les champs de canne à sucre. Un chemin a été taillé, les plants de canne forment un mur, de chaque côté, eux aussi nous fêtent en héros.

Retour du bitume, la pente est moyenne mais suffisamment raide pour que la très large majorité des coureurs passent en mode marche. Je poursuis mon effort, mon rythme ne faiblit pas entre 9 et 10 km/h.

Je remonte par grappe les coureurs pendant 7 km pour arriver enfin au Domaine Vidot. C’est toujours ambiance « col du tour de  France", la foule forme un petit corridor pour mieux encourager, taper les mains des coureurs.

Arrivé au ravito en 1h53 cumul D+700. J’ai forcé pour arriver dans ce temps, sachant que je suis parti dans les derniers.

Contrôle express des pieds, recharge en eau et me voilà reparti illico presto.

Je mange toutes les 30 minutes une barre céréale ou autres friandises mais pas de gels.

Je suis content mes efforts semblent payer, pas de bouchon à la sortie du Domaine Vidot, le chemin se transforme en single et s’engage dans une forêt secondaire, montée, descente, quelques arbres à sauter. Chacun se suit, impossible de doubler, j’en profite pour souffler.

Les premiers signes de sommeil apparaissent très vite, ils se traduisent par des absences de quelques millisecondes.

Et puis patatras, bouchon au Km 19. Je ne m’y attendais plus, le moral chute. D’autant que nous avons le temps d’échanger avec d’autres coureurs sur le boitier sensé nous géolocaliser, geo-race. Evidemment, on s’aperçoit qu’il ne fonctionne pas…….

Je suis contrarié pour mes proches et inquiet pour Armelle qui devait s’appuyer sur cette merveille technologique pour me suivre et anticiper nos points de rencontres.

Je la vois me dire « tu vois ça ne marche jamais vos suivis en live » d’autant qu’elle m’apprend que le suivi par SMS ne fonctionne pas non plus. Heureusement que les copains via what’sapp la renseignent sur mon avancement.

Rapidement, le bouchon se transforme en une avancée lente mais continue. Nous perdrons dans l’histoire une petite demi-heure, rien de grave.

Notre chemin emprunte maintenant les prés à bœufs, les appuis se font plus difficiles, nous passons de champs en champs par des échelles. Les cotes sont courtes mais raides, les descentes piégeuses, le mode marche est enclenché dans les montées.

Arrive, Notre Dame de la Paix, Km 25, 4h51 : A vrai dire plus de souvenirs de ce ravito.

Reprise de notre périple vers Piton Textor. Nous sortons des champs pour aborder une partie forestière très agréable, la nuit est froide, je mets les gants et toutes mes couches disponibles. Nous alternons course et marche, je reprends un certain nombre de coureurs. J’oubli de regarder ma montre, je ne suis concentré que sur l’effort. J’ai oublié mes temps de passage à l’hôtel, alors vu l’heure je me dis que je dois bien avancer.

Le jour se lève, c’est toujours un moment de réconfort, savoir que les rayons du soleil vont nous réchauffer, le manque de sommeil ne se fait plus sentir, et nos yeux reprennent leur fonction de guide. Au revoir la frontale.

Nous sommes maintenant dans les paysages de la route du Col du Piton de la fournaise. Les chemins sont assez roulants jusqu’au Piton Textor. Je maintiens mon allure de 5 km/h hors temps de pause aux ravitaillements. J’arrive au Piton Textor en 8H12 pour km 41.

La topologie du parcours s’avère différente de ce que j’avais imaginé, en effet, ce n’est pas une ascension longue et rectiligne mais plutôt une succession de montées casses pates de replats et de descentes.

2 piton textor

Je me sens fatigué. Je suis exactement dans mes prévisions d’allure à 10 minutes, excepté ma demi-heure perdue au Domaine Vidot. Nous avons déjà un cumul D+ 2600.

Je suis à fond, désireux de repartir au plus vite pour rejoindre mon amour, je sais par SMS qu’elle m’attend à Mare à boue à 10 km d’ici, plutôt en descente.

3 avt mab

Le terrain est instable, je me prends trois buches, dont une sévère au niveau de la cheville gauche. Je crains le pire, l’entorse est évitée. Nerveusement, la course devient difficile, la cheville lâche sur les appuis trop prononcés. Je me force à courir, mon attention est à son extrême.

J’ai les ligaments distendus au niveau des chevilles, alors quand je suis fatigué, ma cheville vrille sur elle-même, l’avantage est que je n’ai jamais connu l’entorse, mes ligaments plient mais de rompent pas.

Enfin j’aperçois Mare à boue au loin, mon amour est là proche.

4 mab paysage

Une section de 2 km nous sépare. Je cours proche de 10 km/h sur un ciment cassant les muscles.

5 mab arrivee

Après analyse des temps de passage, j’ai rattrapé une bonne  partie de mon retard, et j’arrive dans mes prévisions chronométriques. J’arrive OUI mais exténué. Je craque un peu en voyant mon amour au bord du chemin.

J’ai froid, je tremble. Elle me prend en charge. Les préposés au ravito viennent aider Armelle, l’un me masse les pieds, une autre me propose une soupe chaude. Bref, je suis un enfant pris complétement en charge. Le temps me parait se figer. Tout le monde s’active autour de moi, cela me parait désordonné mais inconsciemment, je retarde le moment de reprendre mon chemin.

Mes pieds sont nickels.

J’enregistre mon premier message pour ceux qui m’accompagnent par leurs pensées dans cette aventure. Armelle, me fait part d’un engouement sur what’sapp.

Je me fais violence pour repartir…. que j’étais bien sous cette couverture allongé sur ce lit de camps.

En repartant, je pointe à Mare à boue en 10h19, nous sommes au km 51.

J’appréhende le coteau Kerveguen, je repars tout tranquille, le chemin se transforme assez rapidement en passerelle de bois. Je m’explique : c’est un chemin souvent recouvert de boue, par chance cette année c’est sec, alors pour parer au problème l’ONF à créer un chemin de rondins de bois. C’est glissant et très casse gueule.

Parfois il faut simplement suivre le chemin de pied.

Cette ascension de 10 km est interminable, le brouillard vient à notre rencontre, nous enveloppe, un léger crachin me fait craindre le pire pour la descente à suivre de la Mare à Joseph.

Enfin, la voilà cette descente, tant cauchemardée. 800 D- en 2km. J’y vais tranquillement, je ne suis pas bloqué, mais j’ai quand la même la trouille. Je pense beaucoup à ma famille, revenir indemne, cette seule idée me fait ralentir, rester sur ces 2 jambes mon seul objectif.

6 apres mab

7 mare à joseph

8 mare à joseph

9 mare à joseph

10 mare à joseph

11 mare à joseph

Heureusement que je l’aborde de jour, je n’ose imaginer par temps de pluie et de nuit……

Je vois Cilaos en contre bas mais que la descente est longue, il me faudra 1h30 pour en venir à bout.

Cilaos

Je vais mettre 4h pour faire les sections de Kerveguen et de Mare à Joseph, 12 petits kms. Enfin la route pour Cilaos, je suis comme grogui, anesthésié par l’effort nerveux mais soulagé. J’essaye de courir, mais la chaleur me scotche instantanément au goudron, le bitume tape dans les muscles, le soleil est au zénith et je prends en pleine gueule le passage glacial de kerveguen à la chaleur de Cilaos. Je décide de rejoindre Cilaos en marchant. Les 4 kms sont longs et encore longs, je vais mettre 50 minutes pour enfin voir le visage de mon amour.

J’arrive à 15h loin de mes estimations mais ENTIER !!!!!

 Dans le même temps mon amour est arrivé entière à Cilaos, son message m’avait rassuré. Elle a bravé, dompté que dis-je la route aux 400 virages.

Je suis fier d’elle, elle a aussi vaincu ses peurs.

Route de cilaos14 route de cilaos

Je prends une douche froide au jet d’eau, s’est délicieux, j’enlève toute cette poussière, cette boue sur mes jambes. Je me restaure copieusement. Je m’allonge mais le sommeil ne parviendra pas à l’emporter vraiment.

Je ne me mens pas à l’aise à ce ravito, pourtant la pause s’éternise. Mon esprit est ailleurs, je sors de la course sans m’en rendre compte. Mon instinct me dit de finir et juste de finir, à partir de ce point le chronomètre n’aura plus d’importance et pourtant mon corps n’a pas ou peu de stigmates, mes jambes répondent bien, aucun bobo en vue.

Je repars.

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Je pars pour au moins 20h sans voir Armelle. Le coureur doit décider à Cilaos s’il continue l’aventure sachant que personne ne viendra le chercher en cas d’abandon dans le cirque de Mafate, qui n’est traversé par aucune route. Seul, il devra revenir sur ses pas à Cilaos ou il devra gravir le Maïdo pour sortir de Mafate et être pris en charge.

Me voilà parti pour gravir le Taïbit et entrer dans le fameux cirque de Mafate.

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Avant de gravir le Taïbit, l’organisation nous fait descendre bien bas dans le cirque de Cilaos. La chaleur est étouffante, je ne suis plus dans la course en termes d’agressivité, je ne pense qu’à une seule chose, préserver mes forces et gérer l’effort.

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Passage à gué à Cascade bras rouge avant d’entamer la remontée vers le début du sentier Taïbit. 

riviere

Et vlan je m’étale de tout mon long dans la rivière. Je m’aperçois que mon téléphone fait des siennes, il n’obéit plus au doigt et encore moins à l’œil.

J’avais oublié de le remettre dans une pochette étanche. Tant pis il faut repartir, je retrouverai bien Armelle à Sans souci.

Me voilà dans ce fameux col 6.5 km pour 1200D+. Heureusement que la deuxième partie est ombragée et que la fin de l’après-midi approche. La montée est pénible, néanmoins, je m’accorde aucune pause d’autant que je souhaite faire la descente de Marla de jour. Cette descente a la particularité d’avoir beaucoup de marches.

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Ce sursaut me permet d’atteindre le col, il commence à faire froid, je remets mon coup vent sur le débardeur et c’est parti pour cette descente.

Effectivement, elle assez roulante, les marches deviennent sur la fin douloureuse, elles me provoquent une douleur à toute extension de mon genou droit. Cela me vaudra un très beau strap, refait 3 fois par 3 personnes différentes, considérant à chaque fois que celui-ci était mal fait. On se croirait au boulot…..vive la nature humaine.

Malheureusement, juste avant d’entrer à Marla, je dois mettre la frontale.

Je prends un bon repas chaud, poulet, riz et je décide d’aller voir l’infirmerie pour me faire strapper, mais comme il n’y a pas de kiné personne ne veut prendre la responsabilité de le faire.

Je vais entendre ce refrain jusqu’au Maïdo, ou une infirmière voudra bien me strapper en me précisant qu’il faut que je vois un kiné.

Avant de repartir, je décide de mettre mes 3 couches pour la nuit. Je découvre avec résignation que ma première couche est mouillée à cause de ma chute dans la rivière. Je n’ai pas le choix, je la mets, moment vraiment désagréable, et je me dis que je vais bien finir par me réchauffer avec l’effort.

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Bref, je repars, la nuit est tombée, l’atmosphère est spécial, tout est calme. Deux coureurs me rattrapent et on décide de faire un bout de chemin ensemble, le premier sort de l’UTMB, le deuxième de la 6000D bref je suis en bonne compagnie.

Puis au fur et à mesure de la nuit, le groupe s’agrandit pour atteindre une dizaine d’unités. Nous resterons ensemble jusqu’au ravitaillement de la Plaine des merles.

Il commence à pleuvoir, la nuit est fraiche, sombre. Je décide de faire une pause pieds, je remets de la nok, toujours pas d’ampoules.

J’ai eu un moment d’angoisse en arrivant au ravito, je me sentais fatigué mais surtout congelé, un bénévole me voyant souhaite que je vois un médecin et là reconnexion immédiate du cerveau « tout faire pour éviter les médecins » de peur qu’il m’arrête.

J’essaye quelques blagounettes pour montrer ma super forme, mais personne rigolera, pourtant dans mon souvenir elles étaient bonnes. Je n’en veux pas à mon public, il était fatigué.

Bref, je repars pour une succession de montées, de descentes dans Mafate le parcours est roulant. La vigilance reste de mise, mais je suis fier de moi de tenir une bonne cadence dans les descentes (clin d’œil pour deux lecteurs qui aiment envoyer dans les descentes sans m’attendre).

Vers l’Ilet à bourse, nous traversons une forêt d’épineux, et il y a quantité de coureurs sur le côté avec leurs couvertures de survie. Je décide d’en faire autant sans couverture de survie, j’enlève les chaussures pour soulager un peu les pieds, connerie à venir.

Malheureusement quelques gouttes de pluie s’invitent et plus le froid, mon sommeil sera de courte durée.

Je décide de repartir, hélas mes chaussettes ont accrochées une quantité phénoménale de d’épines de pin. La plaie, il faut que je les enlève toutes. J’étais déjà frustré d’avoir dormi seulement un quart d’heure mais là je suis carrément énerver, en plus il fait froid, mes gestes sont imprécis et j’ai l’impression que c’est un champs entier d’épines à enlever.

Bref j’arrive à Grand Place les Hauts / Le Bloc en pleine nuit et là……

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Discussion avec un coureur réunionnais qui connait la diagonale sur le bout de ses chaussures et qui m’annonce encore 23 à 25 heures de course.

Oh put…, il fait voler en éclats toute ma croyance d’avoir bien avancé durant la nuit. J’accuse le coup mais très vite je décide de repartir, gonflé à bloc vers le Maïdo.

Ce sera mon moment préféré de la course. Je vais faire de longues parties seul, on devine le paysage sauvage autour de nous, les passages de la rivière des galets éclairés aux flambeaux sont magiques.

Direction Roche Plate, dernier ilet avant de sortir de Mafate par le Maïdo. La pente est raide…..

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J’ai le sentiment d’avoir encore beaucoup de force, j’ai une sensation de super forme, je sens mes muscles se tendent, ma respiration est courte mais calme, cette ascension c’est le pied.

Au petit matin, les oiseaux chantent de toute part, la lumière me laisse entrevoir un paysage découpé, magnifique, je suis en pleine euphorie.

Je croise un peu avant 6h un père et ses 3 enfants venant de Roche Plate, je les arrête pour leur demander leur destination de si bon matin, c’est les vacances, il emmène ses enfants à la rivière des galets pour la journée……

Ce moment bref, me donne une claque de vie. Je repense encore souvent à cette rencontre, le bonheur peut être simple, démuni de tout artifice matériel.

J’entrevois Roche Plate, malheureusement nous devons contourner le plateau par la gauche pour se frayer un chemin pour atteindre le village.

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Je décide de dormir un petit peu au soleil, il ne fait pas chaud alors il sera de très courte durée. J’entame une discussion avec deux infirmières, sur la course, elles me rassurent sur la montée du Maïdo et me fournissent des informations très précises. Je repars remonter comme une pendule, je vais faire l’ascension en 1h45 jusqu’au col.

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Le soleil de la matinée commence fortement à cogner, de nombreux spectateurs font le chemin inverse pour aller à la rencontre de leur super héros. Le chemin étant étroit, il est parfois difficile de ne pas être stoppé dans notre élan, d’autant que les premiers du trail du bourbon commencent à nous rattraper.

J’arrive enfin au sommet où l’on m’avait prédit une ambiance de folie, et bien, je vais être déçu. Certes, il y a des spectateurs mais ils encouragent peu, ils attendent surtout leurs coureurs.

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Direction le ravitaillement du Maïdo, le chemin suit la ligne de crêtes, et je me remets à courir, d’ailleurs je vais le faire quasiment jusqu’à Sans Souci.

J’imagine mes supporteurs fiers de moi sur cette portion du parcours, malheureusement j’apprendrai plus tard, qu’une erreur informatique m’a fait disparaitre du pointage du Maïdo. Cela a généré une grande angoisse pour mes supporteurs supputant mon abandon.

Au ravitaillement, je trouve enfin une infirmière pour faire mon strap au niveau du genou droit. Je sollicite les enfants qui tiennent le stand boisson en permanence, ils font quelques maladresses, mais bon, ils sont dévoués, chahuteurs et cela amène un peu de vie.

Je trouve un bénévole qui me prête de la crème solaire, car le soleil chauffe et je commence à attraper des coups de soleil.

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Je repars vers Sans Souci. Je cours, je marche, mon genou bien strappé tire notamment vers la fin de la descente. Je vais me cramer sur cette descente en faisant des passages à 12 km/h mais c’est bon …………de courir. Le terrain est propice, j’en ai marre de marcher depuis toutes ces heures de nuit ou d’ascension.

Je vais m’arrêter à un stand improvisé qui propose des patates douces, je ne vais pas en prendre. Je discute une minute, avant de repartir, dans l’intervalle l’un des protagonistes je me signifie que je n’ai pas besoin de manger vu mes réserves. Il a un peu raison, mais bon, ce n’était pas nécessaire de le dire….

D’ailleurs, question récurrente après mon retour, tu as perdu du poids ? Rien, nada, j’ai pris 3 kilos !

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Peu de temps avant d’arriver à Sans Souci, mon téléphone, sonne j’arrive à prendre l’appel et là Armelle m’apprend que le suivi ne fonctionne plus et qu’elle est toujours à l’hôtel. Panique, je suis à 30 minutes de Sans Souci, juste le temps pour elle de sauter dans la voiture, de se prendre une amende pour m’accueillir bras ouverts au ravitaillement.

Là je vais prendre deux repas, oui vous lisez bien, alors que les autres coureurs n’arrivent à plus rien manger. J’aurai bien repris une troisième cuisse de poulet, mais bon, je n’ai pas osé…ce tas de cuisses de poulets devant moi me hante encore.

Je vois un pseudo kiné qui décide de refaire mon strap, tellement bien que je n’arrive plus à plier mon genou, pas très pratique pour ce qui me reste à faire. Bref, je vais rester bien trop longtemps à ce ravitaillement puisque dans entre deux cuisses de poulets évidemment, je vais également reprendre une douche.

Je repars avec mon énorme pansement, qui va très vite se disloquer et qui donc me servira à pas grand-chose sauf à impressionner les spectateurs. J’ai failli oublier mon dossard et de pointer avant de repartir….faire la course et se voir disqualifier pour oubli de pointage, je n’ose imaginer….

On traverse de nouveau une rivière, de nouveau je glisse, les deux pieds dans l’eau, je rigole du comique de répétition.Il fait chaud………..vivement la nuit.

Juste avant la nuit je vais faire leur put…. de chemin Kaala. Pour vous dessiner le truc, des gros rochers à descendre soit avec une corde soit avec des lianes. Ces portions sont courtes mais démoralisantes. 

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D’ailleurs, jusqu’à Possession, c’est le seul moment de la course où je vais broyer du noir, je n’avance plus, le chemin est inintéressant et j’ai mal au genou.

Le moral est bas, je me fais doubler par tout le monde, je m’énerve.

Je rattrape une éclopée qui décide d’appeler du réconfort, elle pleure, elle demande de l’aide, elle n’arrive pas à se calmer, son genou est lui véritablement en vrac.

J’essaie timidement de lui parler, mais elle ne me répondra même pas. D’ailleurs, l’ambiance entre coureurs est moyenne, personne ne s’intéresse à personne, encore moins les coureurs locaux. Le mec peut gire par terre, il ne sera pas déranger pour savoir s’il veut mourir tranquillement.

J’exagère mais c’est le sentiment qui me restera. A leur décharge, les coureurs sont tellement fatigués, que chacun est au plus profond de sa bulle et en sortir parait insurmontable. Je le dis en toute humilité car il m'est arrivé de passer à côté d’un coureur sans lui poser la question du « Ça va ? ». En même temps la réponse est toujours la même « Ça va ». C’est un vrai dialogue de sourd….

POSSESSION, dernier ravitaillement, je revois ma chérie et pour le lecteur bientôt la fin du marathon de ce récit qui n’en finit plus comme la nuit qui va venir. Tranquillement, je vais rester 1h30, de nouveau bien manger, les saucisses étaient incroyables…

Je me fais soigner que dis-je dorloter par plusieurs étudiantes en santé, un kiné me refait mon strap cette fois-ci, il me sera très utile et me permettra de finir sans douleurs.

Bref, j’entame une discussion avec un mec qui travaille sur l’alimentation saine du sportif, je lui parle de Tania au Canada, échange de mails,

Pour finir, Armelle me vire du ravitaillement…….

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Je repars EN COURANT vers le fameux, célèbre chemin des anglais, la montée est facile mais la descente de nuit avec toutes pierres dans le mauvais sens, je bloque, à l’arrêt, j’ai peur, je tétanise, j’entreprends de faire pierre par pierre le chemin.

J’utilise mes deux frontales, une sur le front et l’autre dans une main afin de me garantir une meilleure vision de tous ces pièges, c’est un Japonais qui m’a donné l’idée, car il utilisait uniquement sa frontale à partir de sa main.

Je dis pièges, car c’est feux d’artifice au niveau des hallucinations. Je vois surtout des animaux, des monstres et des coureurs sur les bas cotés. Tous les rochers sont transformés, je me vois vérifier si c’est bien un rocher et pas un coureur qui aurait besoin d’aide. Je zigzague, j’arrive difficilement à tenir ma ligne.

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32 chemin des anglais

33 chemin des anglais

Grande chaloupe : La libération. Pour une fois ravitaillement court, dernière ligne droite avant l’arrivée.

Je m’arrête et discute avec un petit groupe de chanteurs. Ils me chantent une chanson, rien que pour moi, et me remercient de m’être arrêté. J’ai la pêche.

Le chemin est roulant souvent bitumé, je m’arrête dans un abri bus avant la dernière ascension vers Colorado pour me reposer. Le moral a de nouveau plongé. Il y a sur quelques mètres des passages raides de chez raides.

J’entrevois enfin le dernier pointage avant l’arrivée, le Colorado. Je décide de prendre une chaise et de m’installer devant l’assiette de jambon cru et de de pâté. La bénévole n’est pas très contente de mon attitude. Je bouleverse l’organisation. Inarrêtable, je mange et je remange encore comme si c’était mon dernier repas alors qu’il me reste une seule descente. Je pense à vous tous qui m’attendez, un énorme scrupule m’envahit.

J’entame cette descente délicate avec retenu, elle est hyper technique et ce n’est pas le moment de tout foirer alors elle sera interminable pour nous tous.

Le soleil se lève, j’entrevois le stade de la redoute, j’ai Armelle au téléphone pour lui annoncer mon arrivée.

Enfin la délivrance, ce fut long et encore long, j’entre dans le stade, je cherche partout du regard Armelle, pour l’inviter à franchir ensemble cette ligne. Je ne la vois pas. Une déception monte, je refuse de franchir cette ligne sans elle. J’aperçois Alain et lui demande d’aller chercher Armelle.

Elle accourt, enjambe les barrières, nous voilà enfin réunis sur cette piste.

Nos regards se croisent, nos sourires en disent long, très long.

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Nous franchissons ensemble cette ligne, un baiser vient clore cette folle aventure commencée 55h30 plus tôt.

J’embrasse par caméra interposée mes loulouttes, mes pensées vont à tous ceux que j’aime, à tous nos supporters.

Je n’ai pas encore la pleine mesure de tous vos encouragements mes amis.

Le speaker vient me voir, me pose des questions, j’en profite pour vous remercier et dire un petit mot à mes filles. Hélas, elles n’entendront pas ces petits mots d’amour.

La fatigue s’est envolée comme par enchantement.

Je suis bien, heureux, aucune larme a coulé, et pourtant j’avais tant de fois rêvé cette arrivée, les yeux mouillés.

Finisher

temps passage 2

Et enfin, un grand MERCI aux Raiders 2000, à Christelle, Sabine, Maryline, Nicole et Alain, qui nous ont tant aidés dans la préparation et l'organisation de cette formidable aventure, ainsi qu'à nos amis et famille pour leur soutien et leurs encouragements permanents.

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26 juillet 2016

Entre joies et inquiétudes

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Ca y est mon inscription est validée pour la Diagonale des fous. Je vais pouvoir participer à cette course mythique.

C’est un rêve pour moi. J’y pense depuis tant d’années. Dans mes aspirations personnelles, il était inconcevable que le Grand raid de La Réunion ne soit pas rangé dans la liste des rêves réalisés.

C’est pour moi, une aventure humaine hors norme, dans un paysage hors norme. Je ne ressens que la joie de pouvoir prendre la ligne de départ.

Cependant, mon début d’année est difficile, après une côte fêlée au ski, je reprends doucement l’entraînement fin janvier, pour déclencher un début de sciatique en mars. Avril est moyen au niveau forme quand des douleurs intempestives apparaissent aux deux mollets, le muscle se contracte mais ne veut plus se relâcher.

Après le tour des popotes médicales, enfin un diagnostic tombe, perturbation dans l’assimilation des électrolytes (magnésium, potassium….), conséquence de ma sciatique ?

Bref je peux courir doucement mais sans forcer en termes d’allure et ce jusqu’à début juillet.

Une pointe d’angoisse m’envahit à chaque fois que je vois le départ de la diagonale se rapprocher.

Serais-je au départ de la course et dans quelle condition de forme physique ? Il est évident pour moi, que je serai au départ et ce quel que soit mon état de forme.

Ce mercredi 13 juillet devait être la dernière étape de mon inscription pour la Diagonale des fous. En effet, réussir le test d’effort était synonyme de certificat médical, une fois envoyé, l’organisation de la diagonale me signifiait mon numéro de dossard.

Mais voilà à l’ultime étape du test, une anomalie s’est glissée dans mon électrocardiogramme, la suspicion d’un rétrécissement coronarien est envisagée. Infime soit-il, ce rétrécissement me plonge dans le doute.

Je n’ai qu’une envie courir indéfiniment dans les bois, à perdre haleine, à m’épuiser à ne plus pouvoir penser, faire écouler le temps plus vite.

Soulagement ou achèvement, ce vendredi un autre examen permettra de définir avec exactitude la nature de l’anomalie.

Je n’ose imaginer l’annonce de l’arrêt de toutes activités sportives.

D’ici là la vie continue.

Vendredi 22 juillet : Scintigraphie du cœur.

Je n’en mène pas large. Je suis le plus jeune dans la salle d’attente et de loin. Je suis appelé et c’est parti. Bis repetita pour un nouveau test d’effort. J’explique bien au cardiologue la course que je souhaite faire. Je sens bien qu’il me prend pour un fou. J’ai l’impression d’imploser de l’intérieur, j’ai mal partout surtout au niveau du cœur. Mes jambes sont lourdes si bien que j’arrive à peine à atteindre 250 Watts alors que la semaine précédente mon seuil final était de 300 watts.

Enfin, un commentaire laconique du médecin, pour me signifier qu’il a bien reproduit l’anomalie mais que celle-ci est sans conséquence.

Je m’habille et j’espère le recroiser au débriefing pour qu’il écrive noir sur blanc mon aptitude à faire le Grand raid de La Réunion.

Peine perdue, mes résultats me seront remis par la préposée à l’accueil, me signifiant qu’ils sont bons et qu’ils seront envoyés à mon médecin traitant.

Je suis quitte d’attendre mon rendez-vous avec celui-ci pour récupérer enfin mon certificat médical.

La lecture du rapport est ambiguë, il n’aborde pas l’origine de ma présence c’est-à-dire la capacité oui ou non de faire cette course au niveau cardiaque.

Intérieurement une incertitude m’envahit, aucun médecin n’osera signer mon certificat médical avec la reproduction de l’anomalie cardiaque infime soit elle.

Bref, mentalement la course devient un rêve lointain même si mes proches me rassurent sur le sujet.

Jour J, j’ouvre la porte du cabinet médical, de nouveau je suis dans un état second, j’attends de recevoir un dernier coup pour m’achever.

Mon médecin m’accueille avec un large sourire en me signifiant qu’il a bien reçu les résultats et qu’il va signer mon certificat médical, tout en me précisant qu’’il considère la course comme dangereuse pour ma santé générale.

Nous sommes le 26 juillet, je peux partir en vacances heureux et regonflé à bloc. Dans 3 mois, je vais pouvoir réaliser mon rêve.

Dossard 1576

26 juin 2016

Trail du Vieux Lavoir - Moment de partage entre un père et son fils.

 

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Notre passion commune pour la course nature nous amène à faire le trail du Vieux Lavoir. Cela me rappelle mon enfance, quand nous partions le matin courir dans nos bois. Je dis nos bois car nos passages répétés à la longue avaient façonnés des chemins que nous seuls empruntions.

Première course ensemble depuis de longues années, mes problèmes récurrents aux mollets m’empêchent de courir au-delà de 9/10 km/h. Mon père décide malgré tout de faire la course avec moi et de renoncer au classement général.

Je me suis équipé pour ce trail de 35 km comme pour un trail longue distance : camelback rempli d’eau et d’aliments solides.

Mon père de son côté part léger avec juste une ceinture d’eau, comptant sur les ravitaillements de la course pour refaire le plein.

Nous partons dans les dernières positions, une ou deux tentatives au-delà de 10 km/h et mon mollet se rappelle à moi.

Nous avons le temps d’échanger, le temps est agréable et le paysage en sous-bois est sympa.

Le premier ravitaillement au 12 km arrive assez vite, il se situe en plein champs ! Que de l’eau ! Le bénévole est super gentil.

Déception, je tape dans mes réserves et mon père se contente d’un verre d’eau.

Quelques côtelettes au menu, je suis content car j’arrive courir à la même allure que sur le plat. Nous reprenons quelques concurrents à chaque cote.

Le deuxième ravitaillement se situe aux alentours du 21km. Je m’attendais à trouver beaucoup plus de boue, mais non le terrain est roulant. On grignote deux trois conneries, et puis nous repartons.

Je donne davantage le tempo que sur la première partie de la course, certains coureurs donnent des signes de fatigue.

Pour arriver au troisième et dernier ravitaillement au km30, une cote plus raide que les autres s’offre à nous. Je décide d’appuyer plus sèchement, frustré du 9 km/h depuis le départ.

J’arrive en haut essoufflé mais seul. Mon père arrive quelques instants plus tard victime d’une fringale. Malgré ses 50 ans de courses à pied, il paie sa novicité dans le trail.

Il s’aperçoit qu’il ne peut pas aborder une course nature de près de 4 heures juste avec un verre d’eau.

Intérieurement, je dois le reconnaitre que je suis satisfait, cela lui fait les pieds, et il m’écoutera davantage la prochaine fois.

Nous rentrons à bon port en 3h50 pour couvrir les 35 km. Il terminera 3ème V3 de la course. Sans nul doute que s’il ne m’avait pas attendu, il aurait surement gagné la course même si la fin aurait été encore plus pénible.

La pluie salue notre arrivée et nous incite à ne pas trainer.

Pour ma part, je suis satisfait de ma course, j’ai pu atteindre l’objectif de finir la course sur mes deux mollets.

Je ne me projette pas encore vers la Diagonale, mais le moral est présent pour intensifier l’entraînement.

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23 octobre 2015

L'endurance Trail des Templiers, 100 km, 4675 D+

L'endurance Trail des Templiers c'est d'abord tout ça :

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 Et puis, arrive La décision :

Je cours depuis de nombreuses heures sans pouvoir boire et m’alimenter suffisamment, je suis au bout.

Au bout d’une année folle d’aventures, de joies, une année pleine de courses. C’est la dernière et elle doit m’apporter les derniers points pour me qualifier pour l’UTMB, mais voilà mon corps me lâche, las de tous les efforts consentis ces derniers mois.

J’arrête, je tends mon dossard à l’organisation. Ce geste, mon inconscient me l’interdit, il est lent, c’est fini. Je prends la navette balai, je rentre chez moi.

Merci à mon amour de m’avoir encouragé à continuer malgré la fatigue.

27 septembre 2015

Le Trail des Aiguilles Rouges, 52,5 km, 3900 D+

PROFIL

C’est une aventure que l’on voulait faire depuis longtemps Matthieu et moi. Il représente pour nous, l’essence du mot trail. Une course de montagne, dans des paysages magiques, le balcon sud du Mont Blanc.

Une course de montagne avec ses 50 km et 4000D+, ses passages à 2500m, à faire dans le temps maximum de 13h30. Les premiers flocons de neige sur le massif des aiguilles rouges rendent l’aventure encore plus excitante.

Nous sommes heureux d’avoir un dossard, en quelques jours, les 650 dossards sont distribués. C’est une dérive du succès du trail. Malgré, la multiplication des courses, l’engouement, fait naitre un afflux de nouveaux coureurs. Si bien, qu’on doit prévoir 6 mois à l’avance son programme. Nous devons guetter les ouvertures des inscriptions, c’est comme faire la queue pendant des heures pour avoir des billets pour un concert. Pour les amoureux du courir libre, ça devient insupportable.

La course intervient à un mauvais moment pour nous deux, la forme est absente, mais je crois que pour rien au monde ni l’un ni l’autre souhaite renoncer.

Le départ est donné au milieu de Chamonix, même endroit que l’UTMB, un mois plus tôt, le début du parcours correspond à celui de la fin de l’UTMB.

Départ, rapide 12.5 km/h sur les premières portions de bitume pour sortir de Chamonix. Très vite, la pente ramène à la raison un bon nombre de coureurs.

Je suis calé derrière Matthieu. C’est super sympa d’être avec lui, de faire la course ensemble. Chacun dans son effort, juste dans son pas.

Je sens dès les premiers raidillons que je suis incapable de suivre l’allure, les jambes sont coupées, dès que la pente s’élève fièrement. Je reviens sur les portions planes. Le peloton ne chôme pas, impressionnant, tous ces coureurs lancés dans la nuit éclairée par une presque pleine lune. La farandole des frontales illumine la montagne.

La première heure passe, je suis toujours dans l’excitation, du départ, l’adrénaline est toujours présente. Soudain, je m’aperçois que la lumière de ma frontale fléchit pour s’éteindre d’un coup, il est 5h30, nous venons de passer la Flègere direction l’index par la tête aux vents. Un moment de panique m’envahit, le voyant de charge était au maximum, et je n’ai pas pris la peine de recharger.

Dans ma déconcentration, je perds de vue Matthieu, je m’accroche aux faisceaux lumineux des autres coureurs. Ma progression est hasardeuse, je manque plusieurs fois de m’étaler, pour finir à terre.

Soudain, je vois Matthieu sur le bord du chemin, il est 6h00 du matin. Je suis content de le retrouver, cela me rassure. Je suis étonné d’être toujours dans son allure malgré ma péripétie. Je lui fais part, du souci, évidemment, il me charrie, à raconter sur le blog. Il me propose de passer devant, pour m’éclairer, mais très vite, je change d’approche, être derrière m’apporte plus de confort visuel.

Entre temps, j’ai pris une deuxième buche, j’ai eu peur que la course s’arrête à cet instant. Je commence à faire des calculs, il me faut tenir une heure pour que poignent les premiers rayons du soleil.

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Mon regard se porte sur le massif du Mont blanc, quelle beauté, seules les parties neigeuses réfléchissent dans la nuit grâce à la lune.

Vers 6h30, Matthieu me signale le lever du jour, les sommets cotés Suisse sont enveloppés dans un orange tandis que le sommet du Mont-Blanc est rose.

Au-delà, du spectacle, mon angoisse prend fin, l’intensité lumineuse est suffisante pour être autonome. Je respire.

Enfin presque, j’ai des difficultés à rester dans la foulée. Je lâche inexorablement. Je pointe à 45 secondes au premier pointage.

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Je prends conscience que je ne me suis pas ravitaillé sur cette première partie de course, aucune envie, aucun temps mort. Impossible de boire, l’eau m’écœure, et ma première barre de céréales est durcie par le froid, je dois m'y reprendre en 3 tentatives sur la demie-heure suivante pour en venir à bout. J’arrive au premier ravito, je retrouve Matthieu, arrivé 2 minutes avant, moi, il repart plus tôt.

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J’ai envie de le retenir, mais je le laisse s’en aller. Il me dit qu’on se retrouve plus bas, en pensant que j’allais revenir sur lui.

Malheureusement, on ne se reverra plus avant la fin de la course. Sur la portion suivante d’une heure trente je vais perdre 15 minutes qui nous sépareront jusqu’à la fin.

Je repars du ravito après m’être forcé de manger un peu. J’aurai du jeter mon eau et remplir ma poche avec de l’eau gazeuse et du coca. Ce que je vais faire au deuxième ravito, c’est-à-dire au bout de 7h30 d’effort !

Je repars, le paysage est minéral, abrupte, des petits lacs se dessinent en contre bas du chemin, incroyable. La ligne de crêtes ralentit tous les coureurs, l’altitude, les rochers, le verglas, côté nord du col de la Glière et du col du Brévent fond chuter ma moyenne horaire à 3 km/h.

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Au sommet du col du Brévent, j’ai que 10 minutes d’avance sur la barrière horaire, à partir de ce moment, mon esprit se focalise sur tous mes mouvements, un seul but, finir dans les délais.

photo 1

Enfin, je commence à redescendre, vers 1600 m, l’alpage revient, je recommence doucement à courir, vers le refuge d’Anterne.

photo 2

C’est un chemin traversé par de petits ruisseaux, l’herbe est spongieuse, le sol souple, procure un plaisir fou. Je traverse le Diozaz, et j’aperçois au loin le refuge d’Anterne, je le pense proche, l’ascension prendra une éternité.

Malgré, le relief dégagé, je n’aperçois pas Matthieu.

Arrivé au refuge, le deuxième ravito m’attend. J’arrive avec 17 minutes d’avance sur la barrière horaire, je repars 5 minutes avant la fermeture. Je me précipite sur une soupe, quel délice. Je vide mon eau, j’ai bu qu’un litre sur les 7h30 d’effort passé. Bonne nouvelle, je suis assoiffé et affamé, c’est bon signe.

Je réorganise mon sac, il apparait trop minimaliste, une fois mes couches de nuit rangées. J’ai une bosse dans le dos, tant pis, je continue.

Me voilà reparti, prochaine étape, le ravito de Servoz, j’ai une heure 1h45 pour y arriver.

La première partie, de cette nouvelle portion est un chemin de randonnée, bordé de petit lacs. Ma progression est lente, je m’accroche littéralement aux basques d’une nana. Mes forces reviennent, je fais la descente, je m’oblige à chaque mètre de replat à relancer pour grappiller du temps. Les cuisses sont tétanisées, brûles, et pourtant, je sens que la course se joue à cet endroit.

Le bâton marque le chemin...

Je fais une pause dans ce récit, réflexion faite, je ne peux pas passer sous silence un moment très fort de la journée.

Tant pis, mon amour si cela va renforcer tes craintes, ton inquiétude pour mes prochaines escapades.

Un hélicoptère fait des rotations au-dessus du chemin, et je comprends bientôt, pourquoi. Un coureur est allongé, médicalisé dans la descente, une mauvaise chute, les médecins sont présents.

Je m’écarte, je n’ose pas le regarder, je continue mon chemin…….

Dans les fractions de secondes suivantes, j’ai une baisse de tension, un frison parcourt mon corps. Je me vois foncer dans cette descente, peu technique au demeurant. La frénésie d’arriver au plus vite l’emporte, et irrésistiblement, je reprends mon rythme.

Enfin, les premières maisons, le chemin disparait pour des portions de bitume. Je dois arriver avant 14H pour franchir cette barrière horaire, il est 13h55 à ma montre et je ne vois toujours pas le ravitaillement.

Des spectateurs, bon signe, j’entends l’église du village sonner deux coups, je donne tout, j’arrive à 14h04…….

Il bip mon dossard, c’est bon, je vais pouvoir continuer.

Le Mont Blanc

A peine le temps de souffler, que l’organisation nous demande de repartir du ravitaillement. J’ai juste eu le temps de recharger 500 ml de Saint-Yorre dans une gourde. Je suis épuisé.

Me voilà obligé de repartir pour le point final, l’arrivée, mais entretemps je dois défier le Prarion, une ascension de 6 km pour 1200D+

La sortie du village se fait aux petits pas.

J’ai 2 heures 45 minutes pour faire cette section de parcours. Je décide dans ma tête, de faire deux heures au train, et une dernière à bloc. J’ai un repère, aux deux tiers de l’ascension le col de la Forclaz.

J’ai un net regain de force, je monte finalement à ma main, sans m’affoler, la première partie de l’ascension est raide. La pente devient moins rude, le col de la Forclaz est en vue, je passe avec 10 minutes d’avance sur mes prévisions, si j’ajoute mon quart d’heure perdu à Servoz, je suis dans le bon tempo.

Dans le doute, je décide d’accélérer la cadence, je suis survolté, je remonte un grand nombre de concurrents. Le sommet est en vue, j’arrive au Prarion à 16H39, j’aurai mis 2h25. Je suis heureux, j’entrevois la fin. Je me vois déjà avec mes 20 minutes d’avance à l’avant dernière barrière horaire, soufflé.

Le sentiment d’euphorie va durer quelques secondes, le pointeur me signale qu’il me reste 1h20 pour rallier l’arrivée et que cela risque d’être dur. Sur le coup, je ne comprends pas, 6 km en descente en 1h20, cela me semble jouable, dans la réalité je ferai 8 km.

Je suis partagé entre ces informations contradictoires, tout coureur dans la barrière horaire au Prarion est forcément finisher, et le pointeur me signifiant que je dois arriver avant 18h pour être classé.

Je décide de foncer et d’arriver avant 18h, je me sens bien, c’est un challenge excitant.

La descente est assez roulante mis à part la portion à flanc de montagne, le long de la piste de ski du Prarion. Je n’arrête plus de courir et pourtant, le temps file sans apercevoir les Houches.

Les premiers chalets se dessinent dans la forêt, très vite je rallie une portion bitumée, la fin est interminable. Je ne comprends pas, mais où est l’arrivée. Enfin, le lac des Chavants est en vue, les coureurs du SMAC (Saint Maximin Athlétique club) m’attendent, m’encourage, cela fait chaud au cœur, j’aperçois Matthieu.

Je franchis la ligne après 13h34 d’efforts à 18h04. Je suis heureux, je suis bien finisher, mais j’ai échoué sur les 13h30 de barrière officielle pour 4 minutes, après tous ces efforts.

Matthieu, m’apprendra son abandon au col de la forclaz, je pense que nous nous sommes croisés de peu à cet endroit. J’aurai aimé finir avec toi.

Un grand merci aux membres du SMAC, pour leur accueil et leurs encouragements si chaleureux à l’arrivée.

Une pensée, à ceux et celles qui n’ont pas fini cette course.

Un grand merci à Patricia et à Thierry pour leur gentillesse.

 

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12 juillet 2015

Un Tour en Terre du Jura, 115 km, 6500 D+, sur 2 jours

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Ce rendez-vous « trail » est pour moi, le sommet de mon année. Je vais parcourir sur deux jours 115 km avec 6500D+, 56 km et 3800D+ le 1er jour et 59 km et 2700D+ le deuxième jour. Je m’interroge sur ma capacité à repartir le deuxième jour. Je n’ai jamais fait ce format de course.

Mon dernier ultra remonte seulement à 6 semaines, ai-je assez récupéré ? L’enchainement sur une période aussi courte est un test pour jauger ma capacité à faire dans un futur prochain des ultras de 160 km et 10000D+.

Pour une fois, j’ai décidé de prendre mon vendredi et de partir tranquillement vers le Jura. Je suis confiant car entre temps, j’ai enfin récupéré mon tapis de course, qui me permet de simuler des inclinaisons de 15%. J’ai fait de nombreuses séances de marche et j’entrevois une meilleure préparation. Pour ceux qui connaissent la maison, celui-ci est placé dans la dépendance. L’autre fonction de la dépendance est de faire sauna l’été, donc ma préparation s’est faite par 35 degrés et, vu les conditions caniculaires sur la France, cela va être utile.

Direction Saint-Claude dans le Haut Jura pour le retrait du dossard et enfin Thoiry, où m’attendent Marion et Cédric mes hôtes de ce we.

Petite anecdote d’un skieur du Jura, charrié par ces homologues savoyards sur leurs petites stations de ski, en réponse il leur signifia qu’ils avaient la plus belle vue sur le massif du Mont Blanc. Effectivement quand vous basculez du col de la faucille vers le pays de Gex la vue au coucher du soleil sur le Mont Blanc est splendide………..

J’aurai bien envie d’une bonne bière avec mes hôtes, mais il faudra attendre.

Soudain, mon téléphone sonne, ma chérie m’appelle pour la deuxième fois de la soirée, je lui manque déjà. Au son de sa voix je sens une pointe d’inquiétude, elle m’interroge si je n’aurai pas oublié le clip de ma poche d’eau sur l’évier.

Et comme habitude, voilà ma première connerie, je me retrouve sans poche d’eau pour demain matin. Un petit vent de panique circule autour de moi, vite je pars sur la solution de petites bouteilles d’eau dans mon nouveau sac de trail.

Un petit test en live, je place les bouteilles dans les filets accessibles par l’arrière et le tour est joué ! J’imagine la tête de Matthieu s’il avait été à côté de moi.

Merci mon amour car sans toi……………..le reste je te dirais plus tard.

Petit Dodo, et me voilà parti 5h30 du matin, de nouveau vers le col de la faucille et le col du Bayard. Je m’arrête et je respire cette nature sauvage, brute, un silence étourdissant m’entoure, deux magnifiques renards gambadent dans les prés.

La journée va être belle.

7H départ de la course, l’ambiance est bonne, je me sens serein, calme, mais surtout décidé à faire ma course. Je regarde les autres coureurs et j’ai l’impression d’être un intrus parmi tous ces « montagnards » moi, coureur de plaine.

C’est parti.

départ

Les jambes sont bonnes, foulée déliée, je pars plus vite que d’habitude. La première partie du parcours 26 km est une boucle pour revenir vers Saint-Claude. Le paysage est splendide nous longeons une rivière, vasques et petites chutes, le tout à l’ombre. Première ascension le col Bayard, tout se passe bien, je reprends des concurrents.

chute eau

Les 26 premiers kilomètres se passent comme dans un rêve, j’arrive en 4h10, relativement frais, nous plongeons vers Saint-Claude, il est 11h du matin, et la chaleur se fait brulante. We caniculaire dans l’est de la France.

rivière

Je prends mon temps au 1er ravito, mon sac est super, les petites bouteilles sont accessibles, et je m’aperçois que je bois davantage avec ce système, presque heureux de mon oubli.

Me voilà reparti, pour deux ascensions abruptes, la première est un vrai calvaire, le pourcentage est élevé et me coupe les jambes, tout le monde est à l’arrêt. Ils ont tiré une ligne droite dans la pente, la fatigue arrive. Interminable, enfin, la délivrance, le replat est là, de surcroit en sous-bois, je me refais un peu la cerise. Mais la fête est finie, je suis entré dans mon ultra.

escaliers

La deuxième ascension est pour moitié plein soleil, nous longeons les lignes à haute tension, en azimut, le sommet, les crêtes. S’ensuit une succession de descentes, de bosses, je me sens aussi bien que l’on peut l’être au bout de 9h d’effort.

Patatra, je ressens une douleur sous le pied, dans une descente, une ampoule est en formation.

D’un coup, tout va mal, je lâche complétement mentalement. Je n'arrive pas à reprendre le contrôle, je suis prêt de l’abandon.

Je ne cours plus, les concurrents me doublent un à un, je marche, plutôt je déambule. J’arrive enfin à me concentrer pour calculer la distance restante et les barrières horaires. Je m’aperçois que j’ai de la marge, et un petit détail vient me réconforter : tous les concurrents dont le temps est inférieur à 11h d’effort sur cette première étape, prendront le départ une heure plus tard le lendemain. Du coup, je me trouve une bonne raison pour éviter une heure de soleil, de prendre mon temps. Je finis l’étape en marchant, avec quelques séquences de courses, afin de préserver au mieux mon pied droit.

Enfin l’arrivée sur Mijoux, en 11h39, je suis soulagé. Toute ma concentration se porte sur les choses à faire pour récupérer au mieux.

Je découvre avec soulagement que l’ampoule est de petite taille, avec peu de liquide. Je décide de la percer.

Vite, j’installe ma tente, pour me faire un chez moi, m’isoler, enfin presque car je suis en plein milieu de l’arrivée... (cf.photo ci-dessous). Le moral remonte.

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Je cours vers la douche, l’eau est glacée 10°. Impossible de mettre le haut du corps sous l’eau, mais pour la récupération des jambes c’est extra.

Je file ensuite vers le massage. Une table se libère après une longue attente et le kiné répare tous mes petits bobos. C’est bon, bon, bon.

Je me retrouve dans le réfectoire à manger ma blanquette, ce plat chaud est salvateur.

Vite au dodo. Seul hic est que je suis proche du générateur du ballon gonflable de l’aire d’arrivée. Le sommeil ne vient pas, la nuit est chaude bien que nous sommes à 1000 mètres d’altitude.

La nuit est courte : réveil à 4h30.

La sortie de tente est pathétique, j’ai l’impression d’être aussi raide que le robot de star wars  C-3PO. Je m’attèle rapidement à ranger ma tente, et quel boulot ! Fourbu après cet effort, j’attends le départ de cette deuxième étape, qui est censé être moins difficile que la première avec « 59 km pour 2700D+ ». D’ailleurs, en observant les résultats des années précédentes, les concurrents mettent des temps proches pour les deux étapes. Je devrais en conséquence finir dans les temps si l’on suit cette règle. Il faut bien trouver des faits pour se rassurer !

Le peloton s’est dégarni. La rumeur signale un taux d’abandon de 30% sur la première étape, notamment due à la chaleur caniculaire.

6h du mat, 3, 2, 1 le départ est donné, premier plat du jour, l’ascension vers les crêtes du haut jura et ses vues sur le lac de Genève et le Mont Blanc.

Cette ascension est bienvenue, elle permet de s’échauffer tout en marchant, ensuite le chemin le long de la crête est splendide. J’arrive à alterner marche, course.

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Les descentes sont horribles, j’ai éclaté tellement de fibres la veille que je préfère encore les montées. La journée va être longue, rapidement la vague des 7h me rattrape, je vois enfin la tête de course. Les gars ne courent pas très vite dans les ascensions, mais ils sont au train, régulier, en revanche dans les descentes, ils envoient.

Les heures passent, j’avance à mon allure, mais j’avance. La chaleur est moins forte que la veille.

L’ascension de Chalam est une horreur, plein soleil, avec plein de randonneurs sur un petit single. Je crains la descente, mais miracle, pour la descente le chemin s’élargit et la pente devient devient plus douce.

J’apprends au ravito suivant, que je possède deux heures d’avance sur les barrières horaires. Je souffle. Je pourrai être dans les délais même si je dois finir en marchant.

Cette deuxième étape est plus sympa en termes de paysage, l’horizon est plus dégagé, les vues aériennes sont sympa, les kilomètres s’enchainent, quand survient l’inévitable mais au pied gauche cette fois-ci, l’ampoule tant redouté. Mon moral ne plonge pas comme la veille, la certitude de finir chasse les mauvaises pensées. D’autant que la douleur est largement supportable.

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La chaleur en ce milieu d’après-midi est à son paroxysme, les dernières bosses finissent par avoir raison de moi. Les derniers kilomètres sont pénibles, ma vitesse moyenne est faible et les kilomètres ne s’enchainent plus. Je n’arrive plus à m’alimenter depuis plusieurs heures, seul le coca mélangé avec de l’eau gazeuse m’apporte un peu d’énergie.

Mais la joie de finir me fait tenir, je vais enchainer mon deuxième ultra en 6 semaines. Je suis fier de moi, soudain, je bascule sur Saint-Claude, les derniers hectomètres urbains, l’arrivée dans un presque anonymat.

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Le sort des derniers, pourtant, il y a beaucoup de monde autour, chacun vaque à ses occupations. Je suis dur, il y a quand même quelques regards, voir des sourires à mon encontre. Ces aventures ne peuvent être vécues que seul, et pourtant de nombreux participants sont en groupes. C’est une interrogation pour moi : comment font ils pour supporter l’autre, vivre pleinement ce moment ? Je dois avouer que le réconfort me manque, personne.

Ma préoccupation est de récupérer, au plus vite, ma tente et de repartir chez Marion et Cédric, sentir un peu de chaleur humaine.

Je n’en reviens pas, je l’ai fait. Je vis ces moments comme une quête intérieure, impossible de renoncer à les vivre, je me perdrais.

Le temps des doutes suite à l’Aurélien Trail me parait loin.

Marion et Cédric m’accueillent en « héro », c’est bon.

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Je n’ai plus qu’à me laisser dorloter, très vite le sommeil m’emporte.

Je suis parmi les 55% de rescapés du premier jour, mon classement, loin des premiers, mais j’ai tenu sur les 23 heures cumulées des deux jours.

Un énorme merci à Marion et à Cédric pour votre accueil.

Epilogue : mes pieds ont souffert, mes chaussures aussi...

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30 mai 2015

Ultra Trail de la Côte d'Or, 105 km, 3500 D+ , 3450 D-

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Vous m’avez laissé désemparé après le trail « Aurélien », soit cela avait mis en évidence mon problème de chaussures mais mon capital confiance est entamé. Beaucoup de repos et très peu de séances entre les deux évènements, comment allais-je réagir ?

Donc, me voilà parti, 4 semaines après ma mésaventure vers le trail de l’UTCO (Ultra Trail de Côte d’Or).

L’UTCO est un trail, entre deux villages de la Côte d’Or, de 105Km pour 3500 D+. Bref, coté logistique, c’est la galère quand on se déplace seul. Il faut laisser la voiture au village d’arrivée, puis prendre un car à 1h du mat pour rallier le village de départ. Je prie de rallier l’arrivée et de retrouver ma voiture.

Direction Dijon, après le travail, c’est toujours aussi galère de sortir de Paris un Vendredi soir, néanmoins j’arrive vers 22 h sur un parking désert ! Je m’attendais à un parking, plein de voitures, des gars comme moi, prêts à prendre le car pour rallier le départ. Gros doute, l’organisateur m’a bien confirmé par mail, mon enregistrement pour le bus et le lieu de ralliement.

Je n’arrive pas à trouver le sommeil, l’excitation est trop forte, encore une nuit blanche en perspective. Minuit, le parking s’agite, les voitures arrivent, je me sens rassuré.

1h départ, pour la ligne de départ.

J’arrive tranquilou pour retirer mon dossard et là on me demande mon certificat médical. Surpris, je signale que mon dossier est complet. L’organisateur confirme l’inverse de son côté. Dans un premier temps, il refuse que je prenne le départ, un sentiment de déshérence m’envahit, KO débout comme un boxeur. Après discussions, sur mon expérience en trail, il accepte. Quel con j’ai été de laisser mon certif dans la bagnole ! Il me faut toujours au moins une connerie par trail, au moins c’est fait, j’espère qu’il n'y en aura pas d’autre.

Le départ à 3h du matin, est donné sur la musique originale du film gladiateur.

A ce moment précis, je sais que le trail va bien se passer. En effet, dans mes quelques assoupissements, je m’étais remémoré le film gladiateur et sa musique. Ce signe me regonfle, je me sens de nouveau calme avant d’affronter les éléments, surtout après l’incident du dossard.

3, 2, 1 C’est parti.

depart

J’ai décidé de partir prudemment, mais là……………….

Je me retrouve dans les 5 derniers concurrents, dans les phares de la voiture balai. Je me sens comme un lapin traqué, incapable de détaler. Je pense être à 8 ou 9 km/h. Suis-je dans une course de super héros ?

Je vois au loin les lucioles s’éloigner.

nuit

Bref, première côte, et là moi je continue à courir alors que mes acolytes marchent. Le chemin va être long pour eux ! Sauf que moi aussi je me vois dans l’obligation de marcher assez vite pour ne pas entamer mes réserves.

S’enchaîne ensuite une succession de côtes et de descentes dans les vignes, les bois. Le levé du soleil révèle un beau paysage, mais surtout c’est un moment magique pour un runner, la nature s’éveille, mais nous aussi, on retrouve notre corps, une seconde jeunesse.

 vignes

La première partie est soi-disant la plus facile, résultat des courses j’arrive au km 25 en 3h05 !

Grosse inquiétude ! Un sentiment froid, paralysant m’envahit alors que je découvre que je n’ai que 20 minutes d’avance sur la première barrière horaire (19h au total pour réaliser le parcours).

Je m’empresse de repartir au plus vite et je donne un coup de boost. Suit une alternance marche/course pendant 7h. Je vois de beaux paysages, connais un débalissage qui me fait baliser. Heureusement qu’un concurrent connaissait le coin et nous a remis sur la bonne route. J’avance avec un petit groupe, chacun avec ses qualités, de bons marcheurs, descendeurs ou coureurs. Je me place dans la dernière catégorie. Je marche moins vite que les autres dans les parties pentues. En conséquence, je dois récupérer systématiquement mon retard sur les parties planes.

Pourquoi je marche moins vite que les autres ? Cette question me trotte depuis un certain temps et ça m’énerve. Chaque matin, en allant à la gare à pied, je me fais larguer par toutes les mamies qui vont faire leur marché et plus encore par les hommes d’affaires ou les mamans en retard pour rejoindre leur travail.

La taille, voilà un début de réponse, peut être foireuse par ailleurs.

Bref, tout se passe bien et j’arrive au 72ème kilomètre en 10h30. Je commence à ressentir franchement la fatigue, mais j’ai suffisamment d’avance sur les barrières horaires pour être tranquille.

Les 33 derniers kilomètres sont les plus coriaces avec les 7 combes du sentier Batier. Au pire, je finis en marchant. Mes pieds tiennent, ma préparation avec la NOK semble marcher et j’innove avec une paire de chaussettes double peau.

Le soleil commence à se faire sentir, mais les nombreuses parties ombragées permettent de se rafraichir.

10 km à faire pour le prochain ravitaillement. Je commence par me perdre sur le sentier Batier, je descends dans une combe abrupte, je m’accroche aux arbres pour ne pas dévaler tout droit. Là je bute sur un passage rocheux où je vais devoir mettre les fesses à terre. Je me trouve à mi descente et je m’interroge sur l’absence de balisage. Après réflexion, je décide de remonter et d’attendre le prochain coureur pour lui demander son avis.

En haut, je pousse vers l’autre chemin sans voir pour autant de balisage. Enfin deux coureurs, je leur explique mes doutes, on décide de retourner dans la combe abrupte, mais face à ce passage rocheux, on décide de remonter.

L’un des coureurs décide de prolonger sur l’autre chemin et là rapidement, voit le balisage tant espéré. Gêné, je m’excuse platement, je les laisse filer devant moi comme pour me punir de cette négligence.

La fatigue est présente, je n’ai plus de dextérité dans mes mouvements, mes muscles sont douloureux. Gros coup au moral après le franchissement laborieux des deux premières combes, descentes abruptes dans les cailloux, courant sous les pieds. Je vais mettre 20 minutes, juste pour la première combe, ma moyenne horaire tourne à 1 km/h.

J’enchaîne ensuite un passage où l’on prend 80mD+ en 120 mètres.  Paroi verticale, à monter à la force des bras, les spectateurs nous observent en contrebas, j’arrive en haut exténué.

J’arrive enfin au dernier gros ravito, l’endroit est sympa pour les accompagnateurs, seul hic, le vent me glace malgré la très bonne température extérieure autour de 30 degrés.

J’ai mis 2h15 pour faire la dernière partie.

Je fais une vraie pause de 20 minutes, j’ai perdu l’appétit, incapable de manger, je me détourne vers les boissons. Je suis content de ma nouvelle poche d’eau de marque « Source », ouverture, fermeture facilitée avec le clip. Je bois davantage que d’habitude mais je ne suis pas encore au 500 ml par heure.

Je repars, les muscles sont raides et répondent difficilement, je décide de marcher lentement, la fin va être longue, mais le moral reste bon. J’ai suffisamment d’avance pour rallier l’arrivée dans les délais.

J’ai atteint ma limite, 13h d’effort, avec mon entrainement de quelques séances de 2 heures, je ne peux espérer mieux.

S’ensuit une alternance de marche, de petites courses sur les 23 derniers kilomètres, les 5 dernières combes sont plus faciles. J’arrive encore à courir par séquence de 30 secondes à 7,5 km/h puis une minute de marche dans les parties planes.

Enfin j’aperçois Marsonnay, l’arrivée. Les deux derniers kilomètres me paraissent une éternité, incapable de courir, j’ai hâte d’en finir. Je parcours les derniers mètres avec une ribambelle d’enfants, les miens me manquent. Finir une course avec ses enfants dans ses bras procure une joie indescriptible, mélange de larmes et de sourires.

Voilà l’aventure s’achève avec un temps de 17h47 minutes, je finis 109ème sur 180 partants.

Je suis ravi,

Je me projette déjà vers l’UTTJ.

 

Merci à mon amour de son soutien

Merci à mes parents de masquer au mieux leurs craintes

Merci à Matthieu de son conseil pour la poche d’eau Source

Merci à mes amis Rouennais, pour un footing régénérateur dans la forêt verte

 

3 mai 2015

Aurélien Trail, 27 km

Ce trail de 27 km, doit me permettre de valider ma préparation pour l’Ultra Trail de la Côte d’Or (UTCO) mais pas seulement. Voilà, je vais courir avec mon meilleur « ennemi » Nicolas. C’est son premier trail, mais il me balade depuis au moins une année, lorsque nous faisons des footings ensemble. Je suis un compétiteur, et je souhaite marquer mon territoire sur ce type de courses.

Bref, je ressens la pression. D’autant qu’après mon année blanche 2014 et le trail des marcassins en février, sans résultat probant, je me présente sans repères.

Mes séances d’entrainement ne sont pas bonnes, et ma chérie s’inquiète pour l’UTCO. Pourtant, pour ceux qui me connaissent, je suis un optimiste, mais dans mon fort intérieur, je doute.

Matthieu, bénévole sur ce trail, ne participera pas à la course, mais nous rejoindra sur le parcours.

Il se prépare donc un mano à mano.

Le jour du départ, la tactique est établit, je fais l’allure et Nico est dans mon sillage. Je sais, pour le connaître depuis plus de 25 ans, qu’il partira vite et courra par à coup. D’ailleurs, j’espère que la course prendra cette physionomie, il va se fatiguer et ma réserve de train doit me permettre de le coiffer sur la fin du parcours.

Malheureusement, les conditions climatiques sont chaudes, et pour couronner le tout, impossible de remettre la main sur ma casquette avant le départ. Je vais cuire comme un œuf.

Le départ, est donné.

jambes

Très rapidement, je vois que mes jambes ne sont pas au rendez-vous. Mon allure est très faible, et dès le premier kilomètre, Nico passe devant. Cela me déstabilise immédiatement car je subis son allure, et j’ai de grandes difficultés à rester dans son sillage.

A la fin de la première ascension, je suis à une cinquantaine de mètres, seulement c’est un bien meilleur descendeur que moi. Très vite, il disparait dans la végétation et je me retrouve face à moi-même.

paysage 3

J’arrive au premier ravitaillement, le temps de passage, est en avance par rapport à nos estimations. Je retrouve Nico qui est sur le point de repartir. En une fraction de seconde, je décide de faire un arrêt express, pour repartir avec lui. Je vais payer cher par la suite cette connerie, d’autant qu’il fait chaud et que mon crâne sans cheveux commence à bouillir.

paysage 2

Dans la deuxième ascension, je reste plus facilement à son contact, cela me rassure, le scénario de course se dessine comme dans mon imaginaire.

Je me relâche et je prends enfin du plaisir sur les crêtes, je suis à une cinquantaine de mètres. Le paysage est magnifique.

paysage

La deuxième descente plus technique, le voit repartir, je pense qu’à cet instant, et avec du recul, je prends de nouveau une mauvaise décision. Je décide de faire à bloc la partie de replat pour revenir sur lui avant la prochaine ascension. Je reviens, mais je suis cramé, nous sommes autour 12-13ème kilomètres. Mathieu nous rejoins dans la troisième ascension, ce n’est pas une bonne nouvelle, je suis fatigué, et j’ai du mal à supporter sa présence, d’autant qu’il m’encourage à coller Nico.

 C’est incroyable comment la fatigue peut me rendre irritable, je ne supporte plus les autres, c’est une des raisons pour lesquelles, je préfère partir seul faire mes trails.

Je sais qu’il ne comprend pas le scénario de la course, il doit être surpris de me voir autant à la peine. Il passe devant rejoindre Nico. A partir de ce moment, je ne reverrai plus Nico de la course.

AT matthieu

J’explose……………..

J’arrive au ravito au 17ème kilo, vide, hagard. Matthieu est présent, Nico est déjà reparti.

La course est finie pour moi, et très vite j’invite Matthieu à partir rejoindre notre lapin de garrigue. C’est un vrai soulagement pour moi, je peux me recroqueviller, et commencer à me recentrer sur moi-même.

S’ensui, une longue agonie, pendant les dix derniers kilomètres.

Comment expliquer une telle déconvenue ? Nicolas, n’existe plus dans mes pensées, je parle de déconvenue par rapport à moi.

village

Mes filles m’attendent à l’arrivée, mon amour m’attend, je redoute d‘avance son regard, ses questions. Anna et Manon, pour une fois qu’elles sont présentes, je n’ai même pas envie de les serrer dans mes bras.

Et l’UTCO, comment puis-je prétendre à le finir dans un mois.

Je suis désemparé, la ligne d’arrivée approche, je vois Manon courir vers moi, sourire aux lèvres, fière de courir avec son papa, mon cœur s’emballe. Je lui prends la main et nos passons ensemble la ligne d’arrivée. Anna est aussi à mes côtés. Finalement, je suis ravi.

Elles ne se rendent pas compte de mon état général de fatigue.

Ma douce, s’enquiert rapidement, de ma santé, je lis dans son regard de l’inquiétude. Elle a compris qu’il n’y avait rien à dire.

Je ressens un silence pesant autour de moi, je m’isole de mes amis, j’ai hâte de rentrer chez Matthieu, quitter le lieu du crime où je suis la victime.

Le silence sera brisé par Matthieu qui m’interroge très vite sur ma pose de pied, d’autant que durant la course deux autres coureurs m’ont demandé si tout allait bien.

On s’aperçoit que sur 27 km, je viens de ronger mes semelles sur un demi-centimètre. Toute l’assistance me pousse à aller voir au plus vite mon podologue.

Epilogue de l’histoire :

Peu de jours après, je présente mes runnings à mon podologue qui de toute évidence est scotché par l’état de mes chaussures.

Un test bref sur le tapis révèle le problème, sur le même appui mon pied faut une rotation supinatrice due à une malformation de la chaussure (hypothèse retenue) et mon appui naturel pronateur.

J’ai ainsi compensé musculairement pendant toute la course, ces deux mouvements contraires.

Je prends conscience que mon entrainement depuis le début de l’année avec cette paire de chaussure est à jeter. Finalement, ce trail de préparation m’aura servi.

Le podologue finit par un discours positif, j’ai évité la blessure, et je peux me projeter vers l’UTCO.

 

Petit mot de fin pour mon ami « Nico » : tu me dois une revanche.

16 juin 2013

Le Trail du Verdon, 100 km, 6500 D+

 

profil verdon 100 km

trail verdon

Enfin avant, il faut déjà arriver à Aiguine, lieu du départ. Mat m’a prêté sa voiture, mais que se passe-t-il, je n’arrive plus à passer les vitesses ? La frayeur m’envahit, la voiture est immobilisée devant un portail d’une maison isolée, pleine campagne, et voilà que son occupant souhaite aller à sa visite médicale (pour l’anecdote). Voyant bien que la voiture a décidé de prendre un bain de soleil, il décide d’y aller en vélo ! Sympa.

Evidemment, le téléphone ne passe pas, je laisse des messages, pas de retour.

Que faire ?

L’instinct, me dicte de regarder la pédale d’embrayage, je m’aperçois qu’elle se coince et par miracle, je lui redonne du mouvement, la voiture peut reprendre sa marche triomphante.

Je respire de nouveau !

Arrivé au camping ! Sympa, belle vue sur le lac, que des coureurs. L’installation terminée, je me dirige à pied vers le retrait du dossard.

Dossard récupéré, je descends au lac, et je m’organise une petite baignade improvisée. L’eau fraiche me saisit, je suis bien, je commence à me concentrer sur la course.

De retour au camping, je commence à préparer mes affaires et bien-sur, impossible de mettre la main sur ce foutu dossard. Nouvelle frayeur ! Après avoir retourné deux fois la tente….

Souvenir, souvenir, j’ai eu un échange vif avec l’organisation sur la méthodologie de délivrance des dossards. Bref, j’y retourne avec mon ticket pasta party à 18H30. Evidemment, j’avais oublié mon dossard…Pas de tête, des jambes !

Rencontres de trailers à la pasta party, repas peu gastronomique pate fromage et pate bolo dans la même assiette, il en faut pour tous les goûts, discussions agréables et rencontre avec Anthony Salomone, qui finira 6ème (l’enfoiré).

Retour au camping.

Cette fois-ci, ça y est, je prépare mon body bag, couché 20H30, juste couché car bientôt les hordes de jeunes arrivent au camping pour faire la fête. Et merde, merci Mat pour ton conseil. Je suis encerclé de jeunes à la verve « draguante » et aux jeunes filles charmeuses.

Autant dire que la soirée a été longue, dans mon sac de couchage, yes, ils partent tous faire la fête, je vais enfin pouvoir me reposer.

Ding Dang Dong, 1h30 du mat, mon réveil sonne, le repos attendra, il est l’heure de se gaver avant la course, le marketing sur l’alimentation pour la performance à l’effort fonctionne à plein. Le tout pour finir à bouffer des tucs, des noix de cajou pendant la course, improviser un apéro dans le Verdon, au jus de minéraux. Bref, 2h30, je franchis la ligne d’arrivée, en vainqueur, je blague, le départ est dans 30 minutes.

L’attente du départ est longue, je suis vide, étrangement vide, mon esprit ne se fixe plus, ni sur la course, ni sur ma famille, rien, mon cerveau se détache, seul mon corps répond présent. Il emmagasine de la tension.

 Le corps et l’esprit s’ignorent mais l’un et l’autre se parlent…de façon invisible pour la conscience. L’inconscience est de le percevoir.

 3h00 : 5, 4, 3, 2, 1 départ.

100 km, 6500 D+,

Que vais-je devenir ?

Ca commence, au bout de 200m, impossible de courir la pente est trop raide, cela pendant plusieurs kilomètres. A la file indienne, les petites lucioles cherchent leur chemin.

Le grand Marges atteint, sommet dominant le Verdon, les premières lueurs du soleil apparaissent au loin, très loin. Mes bâtons en carbone, 3 brins télescopiques, me donnent confiance dans la suite de la journée, je sollicite moins les cuisses, je vais vaincre facilement les éléments.

Presque !

Sur les 4 premières heures de course, à bloc, je suis à 5.5 km/h de moyenne ! Le Verdon, un des trails les plus techniques, ils disent…Entre la caillasse, les marches naturelles plus hautes que mes 80 cm de jambes, la broussaille, et les pentes, la progression s’avère difficile.

Enfin le paysage est unique, le chemin le long des gorges du Verdon est tout simplement GRANDIOSE

 Au petit matin, le Verdon se découvre

 photo 1

 Comment on passe ?

  photo 2

 Les marches, plus hautes que mes petites jambes, juste une centaine de suite……à la frontale…

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 L’eau n’est pas loin

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 Eh oui, monsieur, Il faut d’abord monter sur le tronc pour atteindre le haut du rocher

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Les crêtes du Grand Marges

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 La France est contente, il fait 35° c.

 photo 7

Faut pas oublier les broussailles, le trail se transforme en course d’orientation,

Devinette voyez-vous le balisage ?

  photo 9

Bref avec toutes ces conneries, je sors des gorges en fin de matinée, fourbu et scotché par la chaleur. Je suis en retard sur mon plan de marche, qui est d’arrivé à mi parcours au bout de 11h.

Vivement le prochain ravitaillement ! Photo en train de grimper

Enfin de l’eau, ma poche est vide depuis un moment, 2 litres n’auront pas suffi sur 12 km !

Cette arrivée au ravitaillement 38 km, est salutaire, je sais que derrière il y a la fameuse montée dans la forêt à l’ombre, mais raide.

C’est reparti, enfin pas pour longtemps car très vite je sens une douce humidité envahir mon dos et merde, encore un problème de Camel bag.

1, 2, 3 fois je regarde, rien, je ne comprends pas, mais d’où vient cette flotte, le tuyau est pourtant bien fixé ?

Je bois un max avant de perdre toute mon eau et là je m’aperçois que j’ai vissé le bouchon de travers. Résultat, il doit me rester moins d’un 1 litre pour rejoindre Moustier, ravitaillement de mi-parcours. Il est midi 14 km à faire, je ressens un échauffement au niveau des pieds, cela ne sent pas très bon pour la suite.

Cette portion, va être très longue, 5 km encore à faire, je vois le village au fond du paysage, psychologiquement, je n’y suis plus, collé sur le chemin par la chaleur, mon esprit se focalise sur le retard que je suis en train de prendre. Je m’énerve, intérieurement je suis en colère, après rien après tout, signe que la fatigue m’envahit.

J’arrive à 15h, 12h d’effort pour 52 km, plus que 48 km.

Je demande un kiné, je me fais massé, c’est trop bon……… hélas, mes pieds sont cuits, j’ai deux énormes ampoules sur la totalité de la voute plantaire sur l’avant du pied.

J’ai une décision à prendre, j’arrête ou je repars pour une rando de 48 km à faire en 23 heures, car la barrière horaire limite est de 35h. Je me dis, c’est faisable, pour vous tous qui lisez ce récit, oubliez vos repères, les moyennes horaires de vos footings, moi aussi à ce moment, je suis aveuglé, et pourtant au fond, je sais, que la route va être longue pour arriver au bout.

Au bout de quoi, d’ailleurs, mon amour, si tu me voyais, tu me demanderais d’arrêter, pourquoi, pourquoi souffrir, tant d’abnégation, pour quelle mauvaise raison, l’orgueil, la vanité…

La folie…surement un peu, pour les autres certainement.

Je me défie avant tout, j’existe, oui j’existe, la vie est courte, je repousse mes limites, j’ai la prétention de maitriser ma destinée…..

Fais chier d’abandonner, je suis venu pour aller au bout, je ne vais pas renoncer, jamais, je mettrais pieds à terre.

Cette lutte contre moi, je sens que la gagne, je reprends des forces mentales, je suis prêt pour le combat.

Je repars, totalement libéré de la pression de la course, des km à faire, je savoure ce moment, je suis en osmose avec le vent, la montagne, les fleurs, cela va durer 30 km, je marche, je cours un peu, je fais partie de la nature, les quelques kilomètres le long des crêtes à la tombée de la nuit est un moment unique. C’est un des moments les plus forts de ma vie, inexplicable, je ne suis que plénitude.

Deux mètres me sépare du vide, pas de chemin, des dalles de pierres obliquent, j’en ai horreur, une ligne de vie se dessine, des petits rubans attachés aux épineux, virevoltent au vent.

Plus que 20 kilomètres, obligé de me faire soigner les pieds, bandés ils sont moins douloureux, survient un autre souci, une irritation à sang au niveau de chaque adducteur m’empêche de lever les jambes. Je retiens des cris de douleur, des larmes de souffrance s’accrochent à mes cils.

C’est le début de la nuit, les infirmières me donnent rendez-vous au petit matin, 10h pour faire 20 km !

Je repars dans la nuit, je cours seul depuis des heures, le parcours redevient difficile, on surplombe les gorges, la nuit m’enivre, j’ai l’impression de voler au-dessus des cailloux, à 1,5 km/h.

Le sommeil me saoule, je titube vers 3h du matin, je décide de m’allonger à même le sol pour dormir 10 minutes, le froid me tétanise, je tremble, impossible d’arrêter mes tremblements, je dois repartir…instinct de survie.

5h du matin, je me fais de nouveau masser, je m’endors sur un vrai lit, 30 minutes. Le bonheur, la fatigue s’endort aussi, reste cette irritation.

10 km, l’ascension du grand Marges et la descente vers l’arrivée, le jour se lève, le soleil réchauffe les corps des survivants de la nuit, la fin approche. Mes jambes avancent toutes seules, le Marges passé, je croise des coureurs qui partent faire leur footing dans la montagne, il me regarde d’une façon incrédule, entre incompréhension et incompréhension.

Cela veut dire que je m’approche de la civilisation, la descente vers Aiguine est le moment le plus pénible de ce périple.

Enfin, les premières maisons, j’arrive à 9h30 après 30h30 d’effort, j’aurais fait la deuxième partie à 2.5 km/h de moyenne !

Je franchis la ligne d’arrivée seul, pas d’officiel, obligé d’attendre 5 min pour trouver un organisateur pour officialiser mon arrivée. Il faut préciser que, j’arrive dans les derniers.

Très vite une solidarité, se met en place pour me prendre en charge, massage, soins, on me ramène en voiture au camping. Devant mon état de fatigue, les gens viennent me voir, m’adresse des félicitations, s’inquiète, c’est bon….

Je suis HEUREUX d’avoir réussi à rallier l’arrivée. Je me projette vers d’autres courses, j’en veux encore !

Mais pas le temps de tergiverser, il est 11h, je dois reprendre la voiture, faire 60 km pour retourner à Saint Maximin rendre la voiture à Mat. Repartir à 14H pour Aix en Provence, prendre mon TGV et arrivé à Paris à 18H30.

19H30 chez moi, je retrouve les miens.

Comment leur expliquer, mon WE, comment ?

Je souhaiterais tant partager mes joies, mes peines, avec toi mon amour, mais cela est impossible, Tu te perds devant tous mes sentiments si contradictoires, entre mon bonheur et mon corps meurtri, tu ne vois que les stigmates de la course. Toi aussi, tu penches vers l’incompréhension.

 Et pourtant j’ai tant besoin de toi.

 Merci à Mat : pour tes conseils, la logistique, à l’année prochaine sur cette même course. Mat, j’étais venu pour courir avec toi, enfin loin derrière, j’ai vécu un super moment.

 A vous tous qui m’avez soutenu, j’ai pu réaliser un rêve de devenir ultra-trailer.

 AT

 

 

6 décembre 2010

La Saintelyon, 68 km, 1800 D+

saintelyon_2010

 La SAINTELYON est le plus grand trail français en nombre de participants avec 5300 inscrits pour l’épreuve SOLO de 68 kms.

La classification de trail pour cette course fait débat dans le milieu, en effet avec 50% de routes cette épreuve se situe à mi-chemin entre la course sur route et la course nature.

Son positionnement en fin saison et en début de saison hivernale, avec un départ à minuit en fait une épreuve à part.

Suite à ma dernière expérience, la 6000D, je me suis bien équipé, encore faut-il ne pas oublier son coupe-vent à la maison, heureusement mon père en a un !

Me voilà au parc expo de Saint-Etienne, prêt à en découdre, la nuit s’annonce fraiche, -6° au départ et -8° dans la campagne, petit réconfort, la météo annonce une remontée des températures pendant la nuit.

J’attends le dernier moment pour prendre position sur la ligne de départ.

1, 2, 3 tous en cœur et voila nous nous élançons, je suis plutôt à la fin du peloton, je remonte tranquillement sur les 6er kilomètres sur route.

Je vois au loin les premières difficultés, le corps est chaud, TOUT VA BIEN.

Très vite, de la bonne poudreuse, ils nous manquent juste les skis, le vent balaye la neige sur les crêtes. Le paysage est « sauvage ».

Les passages en monotrace sont délicats, l’avancée est parfois difficile, obligé de suivre le rythme et les acrobaties de son ouvreur.

1er ravito (15 kms) la bonne humeur est de mise, tout le monde est content d’être présents sur cette SAINTELYON qualifiée de légendaire pour ces conditions.

ste lyon

Ok il y a de la neige, cela nous ralentit, mais les conditions ne sont pas extrêmes.

Nous venons de passer le point culminant de la course, nous allons débuter une descente régulière. Je suis plutôt très satisfait de ma moyenne horaire proche de 8 km/h. Je me dis naïvement qu’avec la descente, je vais m’approcher des 10.

La forêt est devant, est c’est parti pour la descente, STOP gros bouchon devant moi, il n’y a plus de neige mais du verglas. Comment descendre sans se retrouver à terre, chacun sa technique sur les fesses, couper à travers les arbres hors sentier, ou foncer et voir……

Pour ma part, je suis tétanisé, crispé, j’ai tout simplement peur.

Je vois ma moyenne horaire sur de longues portions de verglas, descendre autour de 2 km/h. Cette histoire est sans fin, portions de verglas, portions roulante. Je vais mettre en descente1H40 pour faire 9 malheureux kilomètres alors que je suis encore frais. 

Au 3ème ravito (36 kms), IL EST 5 HEURES  et tout le monde dort, je prends la décision de ne plus courir sur le verglas, suite à quelques gadins. J’appelle mon père et je lui annonce que je vais mettre 10 heures,  surpris je lui explique la situation, je vais finir en 10H13 à ma montre.

Je ne suis pas préparé à faire de la course sur glace, certains me double l’air de rien, d’autres sont sur le flanc à terre avec la couverture de survie dans l’attente des secours.

Ma décision est la bonne, je souhaite rentrer entier, tant pis pour le chrono et le classement.

Je me rends compte que tous ces efforts pour rester debout me fatiguent, à chaque arrêt, ou passages lents, mon corps se refroidit et les douleurs articulaires et musculaires se réveillent. Je n’y suis plus, mon mental me lâche, je vais déambuler jusqu’à la fin……

La fin de la nuit est vraiment longue, la moyenne horaire est très basse (2H20 pour faire 11 kms), un peu de Louise attaque pour me changer les idées. D’un coup, j’ai un contact humide dans mon dos, de la sueur ? A ce moment de l’effort ? J’ai mal fermée une de mes gourdes, et le coca inonde mon sac et mes affaires de rechanges. J’aurais les pieds mouillés et froids jusqu’à la fin de la course…

Le jour se lève, bientôt Lyon, la fatigue est présente, je commence à râler après les organisateurs. Je finis les 30 derniers kilomètres sans barres énergétiques, car l’organisation n’a pas prévu assez large, et puis il n’y a que du fromage et du pain en salé, vraiment frugal ce menu. L’organisation des ravitaillements est le point faible de cette course, comme toutes les grandes courses, je pense au marathon de Paris.

J’en ai marre des appuis fuyant, Lyon est devant moi, la fin est proche.

J’engeule encore l’organisation, ils nous font passer le long de la Saône et du Rhône, berges gelées, juste pour le fun.

L’arrivée est digne d’une arrivée du marathon Olympique, elle est située dans l’enceinte du parc Expo avec des centaines de spectateurs acquis à votre cause.

Ce moment est très fort, je pense m’en souvenir toute ma vie.

Voilà ! J’ai fini cette édition « mythique » de la SAINTELYON, il y aura à l’arrivée moins de 4000 coureurs.

Quoi en retirer de cette épreuve ?

Je pourrais dire, j’y étais…..J’ai vécu des moments sympa, j’adore courir la nuit, la neige salvatrice contre le verglas, la perception de la vitesse et du défilement du paysage est unique.

La confirmation, je manque d’entrainements pour maintenir une allure sur des très longs efforts, ma fragilité articulaire, et je n’apprécie pas les descentes, encore moins quand elles sont verglacées.

Je vous donne rendez-vous pour le prochain épisode, le trail du Ventoux fin mars, j’espère qu’il y aura moins de neiges que l’année dernière, pour voir enfin le sommet….

Surtout rester humble devant les éléments, ne jamais oublier notre petitesse.

 Je remercie mon père de m’avoir accompagné dans cette nouvelle aventure.

 Ci-dessous les articles des journaux Lyonnais

La 57e Saintélyon est partie dimanche à minuit du Parc des Expo de Saint-Etienne. Sur les 11 500 personnes inscrites, 15 à 20% n'ont pas pris le départ dans des conditions extrêmes. Durant tout le raid, les participants ont dû courir sur un manteau blanc glissant. Regroupé en majorité en grappes, il a fallu beaucoup de solidarité entre coureurs et du mental pour arriver au bout. Les pieds gelés par la neige, le passage des Monts du Lyonnais, en pleine nuit, dans un vent glacial, n'a pas été une sinécure. On se rappellera longtemps de cette 57e édition où pas plus d'un participant sur deux est arrivé au bout de l'aventure.

 Saintélyon: voyage au bout de la nuit

 La 57e Saintélyon est partie dimanche à minuit. A la Confluence, au kilomètre 65, ils étaient nombreux à vouloir en finir.

Les premiers sont passés aux environs de 6h devant le cube orange qui orne désormais le quai Rambaud. Nous sommes au kilomètre 65, il en reste donc 3. C'est trop pour Évelyne, une quadragénaire de Saint-Étienne. "Plus jamais ça!" lance-t-elle, émoussée, alors que son mari tente de la motiver pour en finir avec ce raid. Il fait froid (-1 degré), d'autant que la Saône est à 5m de là et n'arrange rien, coulant aussi rapidement que les coureurs sur le quai. Le pire, c'est la neige. Elle recouvre une grande partie des 68km du parcours de cette 57e édition de la course. Arrivés à Lyon, les participants sont obligés de courir sur un manteau glissant, pourtant on ne les voit pas tomber comme des mouches. 
Les concurrents passent par grappes, rarement seuls. Par moment l'un d'eux râle, crache, s'arrête. Le groupe se retourne, attend de voir si tout va bien, puis reprend son chemin. "Vous êtes dans le mauvais sens monsieur! " s'écrie un coureur qui marche et traîne les pieds dans la neige. En réalité, celui à qui il lance ce conseil est un soigneur de l'organisation qui s'assure que la participante assise sur un banc est capable de terminer l'épreuve. Les traits des coureurs sont tirés, leurs regards sont vides, hagards. Certains ont encore leur lampe frontale allumée malgré le jour naissant. D'autres courent avec une couverture de survie, les plus originaux ont disposé des guirlandes électriques de Noël sur leur sac à dos pour être visibles, une initiative certainement utile dans les épaisses forêts des Monts du Lyonnais, traversées en pleine nuit. Tous ont leur dossard avec leur numéro, un souvenir qu'ils garderont certainement comme on garde un trophée, une fois parvenus dans le Palais des Sports de Gerland. S'ils arrivent jusque-là...

 

 

 

 

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